Investir en tant que Marchand de biens
Qu’est-ce que l’achat-revente en immobilier ?
L’achat-revente, en immobilier, est un concept à l’évocation plutôt explicite. Si nous devions le résumer en une phrase, cela consiste simplement à acheter un bien, puis à le revendre plus cher afin d’en dégager une plus-value. Si le fonctionnement paraît évident, la manière de réaliser une plus-value conséquente (ou du moins digne du temps consacré) nécessite de rentrer un peu plus dans les détails.
Il est important de ne pas confondre ce procédé avec l’investissement locatif. Dans le premier cas, l’idée est de revendre un bien à une valeur supérieure à celle de l’achat, tandis que dans le second cas le rendement (lié aux loyers perçus) est privilégié. Cette distinction entre les deux manières d’investir engendre un impact sur une composante cruciale de l’investissement : l’horizon de temps. En effet, dans le cas d’un investissement locatif, on recherche une rente régulière sur plusieurs années, souvent avec l’objectif d’obtenir un revenu complémentaire à terme afin de préparer certaines échéances telles que la retraite. Ici, c’est une vision de long terme qui est adoptée. Pour un achat-revente, on cherchera souvent à revendre rapidement le bien avec une plus-value. L’horizon recherché s’exprimera plutôt en mois.
Avec quel statut peut-on investir en achat revente ?
Préalablement au choix d’un statut, précisons pourquoi il est recommandé d’en adopter un pour ce type d’activité. En effet, fondamentalement, la loi n’impose pas de contraintes sur le sujet. Il est donc légalement tout à fait possible de réaliser des achats-reventes en son nom propre. Cependant, les complications arrivent assez rapidement, d’autant plus lorsque les choses tournent mal.
Premièrement, prenons un cas où tout se passe bien. Vous venez de réaliser une acquisition dans le but d’effectuer une plus-value. En considérant les horizons d’investissement mentionnés ci-dessus, la revente aura lieu bien avant 6 années de durée de détention, ce qui signifie que vous n’aurez droit à aucun abattement aussi bien sur le paiement de l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux (cf. le tableau ci-dessous). Ces derniers se décomposent sous la forme d’un taux forfaitaire de 19% d’IR et de 17.2% de prélèvements sociaux. Concrètement, après des mois d’implications dans votre projet, vous avez acheté un bien à 200 000 € pour le revendre avec une plus-value de 100 000 €. Vous devrez dans ce cas directement renoncer à 36 200 € en raison de l’imposition.
Dans quel cadre peut-on bénéficier d'une exonération sur la plus-value ?
Les cas d’exonération sont rares. Le plus courant est celui de la résidence principale où la plus-value réalisée n’est pas imposable. Toutefois, on acquiert rarement une résidence principale avec l’idée de réaliser une plus-value à terme (du moins, ce n’est pas l’objectif premier). Par ailleurs, attention au risque de requalification en marchand de biens qui peut être très coûteuse fiscalement.
Le fisc sera en effet attentif à la fréquence d’achat de vos biens, et de votre propension à vouloir les revendre avec la volonté d’en dégager une plus-value.
Deuxièmement, si votre investissement ne vous réussit pas, en tant que particulier vous devenez pleinement responsable de vos dettes (et a fortiori votre conjoint s’il existe un contrat vous liant aux yeux de la loi), ce qui peut vous exposer à de lourdes conséquences financières sur le long terme.
Devenir marchand de biens, comment investir à travers l'achat revente ?
Ainsi, il est recommandé de devenir marchand de biens. Afin de pouvoir exercer cette activité il existe deux grands statuts :
- La micro-entreprise : très utile dans bien d’autres domaines, ce statut s’avérera rapidement handicapant dans le cadre d’une activité immobilière et son seul avantage sera la facilité et la rapidité de création d’une telle société. En effet, il y a très peu de formalités à accomplir et la comptabilité associée est des plus basiques. Pour autant, le chiffre d’affaires annuel autorisé est plafonné à 188 700 € hors taxes. On parle ici de chiffre d’affaires et non de plus-value, ce qui implique par exemple que revendre un simple T3 de 50m² dans une grande ville de province (moyennant un prix au m² de 3 000 € à 4 000 €) peut vous amener aux limites de ce qu’offre ce statut. Autre inconvénient lié à une composante inhérente à l’achat-revente : vous ne pouvez pas déduire de charges pour votre activité. Pourtant, le succès de l’achat-revente est bien souvent lié à la réalisation de travaux de rénovation ou d’aménagement conséquents qui éroderont votre marge. Ceux-ci n’étant pas déductibles, vous devrez alors vous acquitter d’impôts sur une plus-value que vous n’avez en réalité pas réalisée.
- Les sociétés commerciales (EURL, SARL, SASU, SAS) : de telles structures présenteront sensiblement les mêmes avantages à quelques nuances près dans le cadre d’une activité de marchand de biens. La SAS (Société par Actions Simplifiée) ou SASU si l’associé est unique est souvent l’option retenue dans ce genre de cas en raison de sa souplesse. En effet la rédaction des statuts ne doit comporter qu’un nombre restreint de mentions obligatoires ce qui offre beaucoup de flexibilité (pour définir les droits des associés, en exclure un de la société, etc…). Il faut toutefois noter que les frais de création peuvent être conséquents (environ 2 000 € à 3 000 €, en tenant compte également des frais d’avocats pour la rédaction des statuts, ce qui est recommandé). L’autre avantage majeur de la SAS est la responsabilité financière limitée aux apports faits à la société, ce qui offre une réelle protection à l’investisseur. Supposons que vous apportiez 10 000€ à votre SAS, vous ne serez redevable que de ce montant en cas de soucis (sauf s’il est prouvé que vous avez commis une faute de gestion).
Une autre option est celle de la SARL (Société à Responsabilité Limitée) qui offrira globalement les mêmes avantages. Cependant, cette forme de société offre beaucoup moins de souplesse dans les statuts et le gérant bénéficie d’une couverture sociale moins importante que dans le cas d’une SAS.
Dans les 2 cas, l’imposition s’effectue à l’impôt sur les sociétés (IS), soit 15% jusqu’à 42 500 € de bénéfices, 25% au-delà (attention, dans le cas de la SAS, à la double-imposition, d’abord sur les bénéfices puis les dividendes versés), et les charges encourues sont déductibles, ce qui rend ces structures particulièrement intéressantes pour ce type d’activité.
Un dernier point à souligner, le fait d’être marchand de biens et non d’investir permet d’économiser une partie des frais de notaire (celle liée aux frais d’enregistrement). Ceux-ci sont en général de 7.5% au total contre environ 3% dans le cas du marchand de biens.
Exemple d'une opération en marchand de biens
Monsieur Findgest souhaite se lancer dans l’acquisition d’un premier bien afin d’effectuer une opération d’achat-revente.
Il parvient à s’offrir un appartement un peu dégradé dans le centre-ville de Lyon pour 150 000€ (hors frais de notaire). Il estime le coût des travaux nécessaires à sa rénovation puis son embellissement à 50 000€. Le bon emplacement ainsi que les travaux réalisés lui permettent d’envisager une revente pour environ 400 000€.
Dans le premier cas, s’il investit en nom propre (sans structure adaptée) : il payera tout d’abord 7.5% x 150 000€ = 11 250€ de frais de notaire. Ensuite, à la revente il devra s’acquitter d’une imposition sur les plus-values égale à 238 750€ x 36.2% = 86 428€. En ajoutant les frais de rénovation, le gain net réalisé sera seulement de 238 750 – 86 428 – 50000 = 102 322 €.
Pour le cas de la micro-entreprise… cet exemple montre immédiatement les limites de cette option.
Enfin, si M. Findgest choisit de monter une SASU (il est alors associé unique). Il paye alors à l’acquisition 150 000€ x 3% = 4 500€ de frais de notaire. Puis il peut déduire les frais de travaux de sa plus-value. Il dégage alors un bénéfice de 250 000 – 4 500 – 50 000 = 195 500€. Il est imposé à l’IS donc il doit s’acquitter de 42 500 x 15% + (195 500 – 42 500) x 25% = 44 625€. Au niveau de l’entreprise, il perçoit un gain net de 250 000 – 4 500 – 44 625 = 150 875 €.
L’idée étant souvent de réemployer le produit de la vente dans l’activité, ce sont près de 50 000€ qui sont économisés dans ce cas. Dans le cas où l’investisseur souhaite directement profiter de ses gains, il peut se verser des dividendes. Il a alors le choix entre la flat tax, ce qui lui offre un gain de 70% x 150 875€ = 105 613€, et l’option du barème progressif de l’IR.
Imaginons que M. Findgest soit dans la tranche d’imposition à 45% (cas le plus défavorable). Il a droit à un abattement de 40% sur ses gains et n’est donc imposé que sur 90 525€. Il perçoit au total 150 875 – 45% x 90 525 = 110 139€. Il est gagnant dans tous les cas (en plus de la protection que lui offre sa structure).
Comment financer mon investissement en tant que marchand de biens ?
Une fois le statut choisi se pose la question du financement. Le cas de l’achat-revente est bien spécifique en raison de la nécessité de disposer de grosses capacités de financement à court terme, et de solliciter des crédits sur des durées courtes (< 2 ans en général). Il existe pour cela un dispositif bien spécifique : le prêt achat-revente. Dans les grandes lignes, celui-ci est assez similaire au prêt relais puisqu’il s’emploie également dans le cadre du financement d’une acquisition immobilière avant que le bien précédent n’ait été vendu.
Toutefois, il présente une légère nuance qui peut faire la différence en termes d’endettement.
Supposons que vous êtes dans une situation ou vous envisagez d’acheter un bien que vous a présenté votre agence, mais vous n’avez pas encore finalisé la vente de votre bien actuel. Si vous souscrivez à un prêt relais, la banque va dans un premier temps réaliser une estimation du prix de votre bien actuel.
Ensuite, afin de maximiser ses chances d’être payée, elle va considérer une fraction du prix estimé de la vente (environ 70% la plupart du temps). Elle va également consulter l’éventuel capital restant dû du prêt associé à ce bien qu’elle va déduire afin d’établir le montant du prêt relais à accorder.
Ce type de prêt est destiné particulièrement à des opérations de court terme et possède une maturité de 12 à 24 mois. S’ajoute à cela un nouveau crédit immobilier si nécessaire, afin de combler l’éventuel écart avec la valeur du nouveau bien. Une fois votre ancien bien vendu, vous pouvez alors rembourser votre ancien crédit ainsi que le prêt relais. Il est à noter que pour un prêt relais, vous ne payez que les intérêts, le capital étant normalement remboursé par la vente effective du bien.
Existe-t-il d'autres mécanismes d'acquisition pour un marchand de biens ?
Le mécanisme est assez semblable pour le prêt achat-revente. Cependant, ce dernier peut présenter un avantage conséquent si vous êtes proche de votre endettement maximal ou si vous souhaitez vous laisser de la marge d’endettement.
En effet considérons maintenant que vous optez pour un prêt achat-revente. Cette fois-ci, la banque va racheter votre ancien crédit et vous octroyer une avance correspondant à environ 70% de la valeur de votre bien. S’ajoutera ensuite à cette avance la valeur du prêt achat-revente qui fera la jonction avec le prix d’acquisition du nouveau bien.
Dans ce cas, il s’agit bel et bien d’une avance qui est faite par la banque dans la phase de transition, et non d’un prêt en tant que tel. Ainsi, elle ne rentre pas dans le calcul de votre taux d’endettement (qui pour rappel ne peut dépasser 35% hormis dans de rares exceptions) ce qui peut vous permettre de souscrire à de nouveaux prêts afin de les consacrer à d’autres projets en parallèle.
De plus, vous n’avez plus qu’une ligne de crédit (celle liée à votre nouvelle acquisition) au lieu de trois dans le premier cas. Toutefois, il faudra s’acquitter d’un taux d’intérêt supérieur à celui d’un prêt relais classique, ainsi que de pénalités de remboursement anticipé par rapport à l’ancien crédit.
Attention également à effectuer la vente dans les temps, dans le cas contraire il faudra trouver un moyen de rembourser l’avance de la banque (baisse du prix de vente, nouveau crédit), ce qui peut compromettre votre situation financière.
Exemple d'un financement d'une opération en marchand de biens
Illustrons désormais les mécanismes susmentionnés par un exemple :
Monsieur Findgest envisage la vente de son appartement actuel pour un montant de 200 000€. Il lui reste encore 40 000€ de capital à rembourser sur celui-ci. En parallèle, il a déniché un nouveau bien d’une valeur de 400 000€. On suppose qu’il n’a pas d’autres crédits à supporter à l’heure actuelle. Par ailleurs, il perçoit un salaire net mensuel de 6 500€ et dispose d’une épargne de 50 000€. La mensualité liée à son crédit actuel est de 800€
Monsieur Findgest réfléchit premièrement à l’utilisation d’un prêt relais. La banque va alors lui prêter 70% x 200 000 – 40 000 = 100 000€. Afin de réaliser son acquisition, il devra alors souscrire à un prêt complémentaire de 400 000 – 100 000 – 50 000 = 250 000€.
Il songe maintenant à l’option du prêt achat-revente. La banque lui prête 70% x 200 000 = 140 000€ sous forme d’avance et lui rachète son ancien crédit. Il écope alors d’une pénalité de 1 200€ (3% du capital restant dû). En considérant son apport, il lui manque alors 400 000 + 40 000 – 140 000 + 1 200 – 50 000 = 251 200€ qui seront financés avec un nouveau crédit immobilier.
Dans le premier cas la banque propose un taux de 2% pour le prêt relais et 1.7% pour le crédit immobilier. Pour le prêt relais, il est redevable des intérêts d’un montant mensuel de 167€. Pour le crédit, sa mensualité s’élève à 1 229€ (en prenant une durée de 20 ans). Son taux d’endettement est alors de 34% : il a atteint sa capacité d’endettement maximale.
Dans le second cas, en considérant le même taux pour son crédit il payera simplement une mensualité de 1 235€. Son endettement baisse alors à 19% ce qui lui laisse de la marge pour d’autres projets.
Enfin, on notera que le fait que la banque n’avance que 70% de la valeur du bien à vendre permet in fine de disposer d’une épargne supplémentaire suite à la vente, que vous pouvez réinvestir comme bon vous semble.
Quelles sont les étapes pour réussir son opération d'achat-revente ?
Afin de dégager une plus-value maximale il suffit simplement de minimiser les coûts durant les deux premières phases de l’opération (acquisition et travaux) et de maximiser le prix de vente.
Initialement, l’idée est donc d’acquérir un bien au prix le plus bas. Plusieurs options s’offrent alors à vous :
- Vous disposez d’excellents contacts au sein d’agences immobilières : c’est un avantage de taille puisque vous allez pouvoir accéder à des offres qui ne sont pas nécessairement proposées au grand public dans un premier temps
- Ayez un regard attentif sur le contexte de la vente (déménagement urgent, besoin de trésorerie, événement familial, etc…). En effet, un vendeur pressé sera immédiatement plus ouvert à la négociation sur le prix. Ce raisonnement peut également s’appliquer à des vendeurs dont l’annonce est postée depuis longtemps : à l’usure, ceux-ci sont plus disposés à baisser leurs prix
- Ne craignez pas d’investir dans un bien usagé nécessitant de nombreux travaux de rénovation. Plus l’état laisse à désirer, plus le prix sera faible, et des travaux soigneux et importants seront ensuite le gage d’une belle plus-value
- Privilégiez les bons emplacements et plus spécifiquement les grands centres économiques (il y aura naturellement plus de demande au moment de la revente)
Pour ce qui est de l’embellissement du logement, allez à l’essentiel. Il est inutile de se laisser tenter à des notes d’exubérance. Le logement, à la vente, doit être attractif et de qualité tout en restant neutre, afin de plaire au plus grand nombre. De plus, les dépenses doivent être les plus faibles possibles, tout en ne sacrifiant rien. Si nécessaire, vous pouvez consulter un architecte d’intérieur afin d’être sûr de la viabilité de votre projet.
Enfin, au moment de la vente, le prix que vous pourrez proposer dépendra essentiellement des conditions du marché… et de la rigueur avec laquelle vous avez mené les deux premières phases (choix de l’emplacement, opportunité de l’achat, optimisation des travaux).